Lewis Hamilton est devenu le plus jeune champion du monde à l'issue du Grand Prix du Brésil, qui avait causé sa perte un an plus tôt. C'est en affirmant une personnalité toujours plus controversée que le jeune Anglais a pu se transformer, au fil d'une saison remarquable, en un gagneur sans scrupule dont l'avenir s'annonce impérial.
Lewis Hamilton a perdu des soutiens mais gagné un titre mondial. (L'Equipe)SUR LE MÊME SUJET
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Hamilton un an plus tôt...Alonso : «La deuxième année est plus compliquée»
Moins de cent kilomètres séparent Stevenage de Silverstone. Stevenage, ville moyenne du Hertfordshire, au Nord de Londres, a vu naître Lewis Hamilton le 7 janvier 1985. Silverstone, cité du Northamptonshire qui abrite le circuit du Grand Prix de Grande-Bretagne, 90 kilomètres au Nord-Est de Stevenage, a vu renaître Lewis Hamilton le 6 juin 2008. Le prodige anglais a beau parcourir le monde, s'être imposé en Australie, en Chine, au Canada, en Hongrie, au Japon ou encore à Monaco, c'est au plus près de ses origines qu'il est devenu un autre homme, au moins aux yeux du public. Tout a commencé dans les deux semaines qui ont précédé l'épreuve britannique. Lewis Hamilton, petit prince métisse et moderne, restait sur deux échecs au Canada, puis en France, suscitant l'ire de la presse anglaise, très agacée par l'affaire d'espionnage de McLaren.
Ce n'était pas la première fois que Hamilton attirait les critiques. En fin de saison dernière, sa nervosité avait déjà irrité plusieurs pilotes. Mais avec sa trajectoire fulgurante (champion de Formule Renault britannique en 2003, de F3 Euroseries en 2005, du GP2 en 2006) et ses débuts fracassants en Formule 1 (neuf podiums pour ses neuf premières courses, un record), les critiques se développaient en sourdine. Logiquement, personne ne l'avait attaqué frontalement quand il avait craqué à la fin de saison 2007, laissant Räikkönen lui subtiliser un premier titre tout fait. La tolérance a trouvé ses limites en 2008, le départ de Fernando Alonso l'obligeant à confirmer que McLaren avait eu raison de lui laisser les coudées franches. Mais même l'Espagnol, le premier qui aurait pu lui en vouloir a prioiri, le défendait quand les tabloïds ont commencé à durcir le ton avant le GP de Grande-Bretagne : «C'est toujours comme ça lors de notre première saison. On nous pardonne tout car on est débutant et on ne prend pas la tête car on savoure. Mais la deuxième année est toujours plus compliquée».
«Ce n'est pas de l'égoïsme, c'est de l'honnêteté»
A ces critiques et à cette attente, Lewis Hamilton a répondu de la plus forte des manières : en écrasant le Grand Prix de Grande-Bretagne. Au fil d'une saison beaucoup moins linéaire que la précédente, le protégé de Ron Dennis a su scander son parcours de victoires marquantes autant qu'indispensables, à Monaco, Silverstone, Shanghaï, dégageant un parfum d'Histoire que n'offraient pas les succès de Felipe Massa. Pour y parvenir, Lewis Hamilton a viré sa cuti, frappé fort, surtout en début de Grand Prix, quitte à toucher et couler, s'attirant les mêmes reproches d'anti-sportivité que Michael Schumacher ou Ayrton Senna auparavant. Comme ce dernier, il s'est également retranché dans une bulle. «Sur le circuit, vous arrivez avec une certaine dose d'énergie mais les gens prennent, prennent... Ils vous pomptent tout. Or vous devez vous entraîner, faire votre job, conduire, échanger avec les ingénieurs, penser à votre famille ou à vos amis venus vous voir sur le circuit. Mais ce n'est pas de l'égoïsme, c'est de l'honnêteté», expliquait-il dans L'Equipe Magazine.
C'est donc un nouvel Hamilton, plus agressif en piste et plus fermé dans le paddock, moins gamin d'apparence mais plus people avec sa petite amie célèbre, membre du groupe de musique The Pussycat Dolls, qui a fini par se couper du reste des pilotes sauf rares exceptions (Rosberg, Sutil). Même le placide Robert Kubica a lâché son fiel après le Grand Prix du Japon, où Hamilton s'est accroché d'entrée avec Massa. «Il en fait trop, c'est dangereux. On en a parlé entre nous et la plupart des pilotes ont un avis similaire», a lâché le Polonais au Bild Zeitung. Mais c'est aussi un Hamilton capable de résister à la pression, de l'évacuer, qui a tenu jusqu'à la fin de saison, allant jusqu'à s'imposer en Chine et terminer au Brésil, là où il avait échoué à le faire l'an dernier. Et il n'est absolument pas certain que son premier titre mondial ne le replace parmi ses semblabes. Qu'il se rapproche de la légende, des "personnages" mythiques de la Formule 1, au caractère hors norme à la James Hunt, cela est plus que probable en revanche. Est-ce un mal ?